dimanche 12 avril 2015

El Chalten à Puerto Natalés, d'Argentine au Chili

Du mercredi 11 au lundi 16 février

Etapes : El Calafate ; Rio Pelque ; 13 km après Tapi Aike ; Puerto Natalés.

498 kilomètres pour environ 33 heures de selle.


El Chalten - El Calafate : ma plus longue étape, 219 km.

Toute la nuit il a plu et le vent a malmené la tente à nouveau, malgré les pares vents naturels plantés au camping El Relincho. Sur le coup de six heures la question se pose de mon départ pour El Calafate. Je traînasse dans le duvet avec la question : pars ou pars pas? Avant tout rangement je décide de prendre mon petit déjeuner à 8 heures (heure d'ouverture  de la cuisine et salle commune). Echanges avec d'autres cyclos qui préfèrent rester au camping et se reposer plutôt que de repartir pour une nouvelle épreuve après le passage Villa O' Higgins-El Chalten, voir article précédent.

Au camping El Relincho. Sur la droite haie dense d'arbustes faisant office de coupe vent.


8 h. 30 il pleut et vente toujours. Si je reste et le mauvais temps persiste je ne pourrai pas randonner en montagne. Je prends ma décision, je pars.
Je range mon matériel et tente en compagnie d'un épais crachin, à 10 h. 15 je quitte El Chalten, plein est sur la route n° 23 pour rejoindre la route n° 40.
Après cinq kilomètres je franchis la ligne de limite de pluie. L'asphalte est bien sèche et le vent me pousse fortement dans le dos, même le soleil semble vouloir s'imposer, cependant il ne fait pas chaud. Je roule à 40 km/h au compteur sans forcer, parfois plus.






A peine quitté El Chalten et ses montagnes je me trouve en pleine pampa. 
Au loin le lac Viedma.

Photo prise à 12 h 07. Il reste 169 km pour El Calafate. J'ai prévu de mettre deux jours pour rejoindre cette destination. Mais au rythme où je vais présentement l'idée d'arriver ce soir progresse et mon mental s'y prépare. Je sais que la route est asphaltée jusqu'à El Calafate.


D' El Chalten jusqu'au croisement avec la routa 40 sur la droite le lac Viedma
 m'accompagne toujours à bonne distance de la route 23.

C'est dans la galère que le mental s'exprime.

Sur la route 23 en direction d'El Chalten je croise deux cyclistes poussant à pied arc boutés leur vélo. Etrange sensation lorsque votre vitesse est démultipliée grâce au vent ouest-est.

Dix kilomètres avant d'atteindre la routa 40 je trouve un trou pour m'abriter du vent sur le bas côté afin d'y pique-niquer. Ce ne sera pas long et à 13 h 15 je rejoins la fameuse route.
Horreur et stupéfaction maintenant je roule nord-sud et je prends le vent de face jusqu'à être obligé de poser pied à terre lorsque ma vitesse est insuffisante pour maintenir l'équilibre. L'extrême est du lac Viedma est sur ma droite, je le longe. L'hypothèse d'atteindre El Calafate ce soir s'estompe.
Je roule à moins d'une moyenne de dix à l'heure. Après une heure de lutte, dans la tête les calculs vont vite. Il me reste environ 120 kilomètres à parcourir et donc 12 heures de route à 14 h 15. Je me résigne je bivouaquerai ce soir.
Plus d'une heure plus tard vers 15 h 30 en quittant le lac Viedma le vent souffle différemment et je le prends trois quart dos d'ouest. Comment expliquer l'effet de cet immense lac sur le vent? Quoiqu'il en soit je m'adapte à cette nouvelle situation.
Plus tard j'aperçois bien un nouveau grand lac sur ma droite qui n'est autre que le lac Argentino, mais pris par ce moment d'immense tension qu'impose le challenge que je me suis fixé, je ne prends plus de photos depuis longtemps.
A une moyenne d'un peu plus de quinze km/h je quitte la routa 40 à 20 h et bifurque à droite sur la route 11, direction El Calafate. . L'hypothèse de me rendre demain au glacier Périto Moréno  semble plausible.

Seulement voilà maintenant je roule est-ouest et j'ai le vent dans le nez. Il me reste 33 kilomètres pour atteindre mon but. Comme en début d'après midi je m'applique à pédaler consciencieusement contre cet élément qui décidément n'est pas arrangeant.

Dans ces moments là je revis certaines épopées sur de longues distances tels les Brevets de Randonneurs Mondiaux (BRM 200, 300, 400 et 600 km.) pour se qualifier puis réaliser les 1 230 km du Paris-Brest-Paris.
Souvenir aussi de cette flêche Vélocio de Pâques 2013 par équipe où l'esprit de camaraderie, malgré les rigueurs du froid, la nuit et une pluie constante, te permet d'assurer et d'aller jusqu'au bout des 24 heures de vélo  imposées. Aujourd'hui je pense à Sylvain, Lionel et Joël mes trois compagnons d'équipe de l'ACBE du Perreux ils ne savent pas où je suis ni ce que je fais ici et maintenant mais j'entends leurs encouragements. Cette année là le club a aligné une seconde équipe et bien sûr j'ai également pensé à Agnès, Marie-Paule, Alain et Jacques. Vous aurez remarqué que pour cette équipe la parité est parfaite.
Vous allez croire que je divague, c'est peut-être vrai mais lorsque l'on se lance sur de longues distances il faut occuper la tête, laisser l'esprit vagabonder, réfléchir même tout en étant vigilant.

A 21 h 45 le ciel s'assombrit je m'impose le port de la frontale et allume le feu arrière. Sur la droite le lac Argentino forme une grande masse noire. A 23 h 30 j'arrive enfin à El Calafate tellement heureux d'être arrivé que je ne ressens pas la fatigue.

Comme j'ai déjà prévu mon hébergement je trouve très facilement l'hôtel "El Calafate". Le veilleur m'offre une chambre collective où deux anglais dorment. Toujours à la frontale mon dîner sera fait de barres de céréales et fruits. Je sais que les cars pour le glacier Périto Moreno partent à 8 h 30 je décide que je me lèverai à 6 h pour rejoindre la gare routière vers 7 h 30.
Le lendemain matin je quitterai la chambre sans avoir aperçu la bobine des deux dormeurs.



Avenue San Martin. C'est la rue principale d'El Calafate, commerçante et animée. Ici peu de monde
 il est 7 h 30, je courre à la gare routière.



"El Calafate porte le nom d'un arbuste épineux. Ses fleurs sont d'un jaune intense tandis que son fruit, dont on fait des confitures, est d'un bleu violet."  Lors de l'attente d'un bateau au camping El Mosco à Villa O' Higgins un jeune routard est allé cueillir ces baies pour faire des confitures. J'ai pu y goûter, c'est bon et cela rappelle la myrtille par le goût et la couleur.

El Calafate en bordure du Parc National des Glaciers est devenue une ville touristique tournée vers la montagne et son essor a été renforcé par sa proximité avec l'imposant glacier Périto Moreno. C'est ce glacier que je vous invite à découvrir aujourd'hui.

8 h 30, en route pour le Périto Moréno.

Le glacier tire son nom de l'explorateur Francisco Moréno qui au XIX éme siécle s'aventura en Patagonie. Situé à 50 km d'El Calafate la majorité des visiteurs utilise les compagnies d'autocars pour s'y rendre. Long de 14 km  et 4 km de large, il est classé au Patrimoine Mondial de l'Humanité par l'UNESCO. Outre son aspect spectaculaire c'est l'un des rares glaciers au monde qui progresse. 

Je longe le lac Argentino jusqu'au parking donnant accès au glacier.

Première apparition de la route du glacier  qui plonge dans le lac Argentino.
Dans l'autocar mon voisin est un habitant de Dubaï. Il mitraille à tout va et son visage émerveillé laisse entrevoir d'extrémes émotions. Il entre dans un monde nouveau pour lui, il redevient enfant. Il est comme cela des rencontres qui marquent.

Lac Argentino.

Paysage autour du lac.

La pampa au pied des montagnes.

S'ensuit une série de vues du glacier Périto Moréno. 




La hauteur de cette masse de glace avoisine les 50/60 mètres au dessus du niveau du lac. 

Lorsque se décroche un bloc de sérac j'entends un craquement violent et une onde de choc
provocant des vagues à la surface du lac.

Pour admirer le mastodonte 4 km de passerelles ont été aménagées.
 Ce cheminement, accessible aux handicapés, est très bien conçu. Il permet une approche populaire d'un site naturel impressionnant et majestueux. 

La glace est générée à 2 000 mètres d'altitude, alors que la langue du glacier arrive dans le lac Argentino à 220 mètres d'altitude.  La pente est donc importante avec de nombreuses cassures d'où la formation de séracs qui n'incitent pas à se promener en ces endroits.








J'arpente à vitesse lente ces passerelles bien intégrées au relief, passant parfois en sous bois de guindos et lengos.
L'envie de randonner au delà des séracs est attirante, ce sera pour une autre fois?
J'ai dû prendre une centaine de photos en six heures de contemplation, mais ici il faut savoir s'arrêter.

Cependant il faut que je vous dise que ce matin, sur les passerelles, j'ai été reconnu par un jeune couple que je n'avais plus revu depuis Villa Manhualés le 24 janvier, soit 20 jours. Il s'agit d'Anne-Claire et Romain. Bien entendu c'est l'occasion de faire part de nos aventures respectives passées. Ils ne resteront pas longtemps sur les passerelles ils entendent prendre la route en début d'après midi en direction de Puerto Natalés. Pourquoi je vous dis cela? Vous comprendrez bientôt.


De retour à El Calafate en fin d'après midi je vais pouvoir utiliser la cuisine collective de l'hôtel. Au menu 400 g. de viande rouge poêlée et pommes de terre-poivrons sautés, le tout arrosé d'un petit vin de pays. En Argentine la viande de boeuf est excellente et à un prix très abordable.  Petit plaisir gustatif difficile à s'offrir sur la route.

Lendemain matin, en route pour Puerto Natalés, il faut compter trois jours avec quelques 80 km de ripio.

Avant hier au soir sur la route 23 j'avais un fort vent dans le nez, la moindre des choses eut été de l'avoir dans le dos lorsque l'on rebrousse chemin. Et bien non. je l'ai de face, soit 2 h 30 pour les 33 km et rejoindre la route 40.

Au 45 éme  km juste avant d'attaquer le col "Cuesta de Miguel" une voiture ralentit brutalement, un bras sort et j'entends crier "Jean-Paul". J'immobilise le vélo et aperçois Georges qui descend accompagné de son épouse. Georges est un compagnon de route du Pékin-Londres réalisé en 2012. Il est en reconnaissance, il prépare un parcours vélo pour 2016. 
Une rencontre improbable!
Peut-être la seule photo à vélo, prise par Georges.

Avec Georges, photo prise par son épouse.
Croiser un copain à l'autre bout du monde prouve que l'improbable est toujours possible.
On a convenu de se revoir à Paris.

Mes premiers guanacos, de la famille des lamas.


Tant au Chili qu'en Argentine les sanctuaires en souvenir d'accidentés de la route sont fréquents et souvent extravagants. 

La montée du col "Cuesta de Miguel" est longue de 16 km. En montant le col dernier regard sur le lac Argentino, 

Hacienda en contre bas du col.

Arrivée au col photo prise par un touriste qui pique-nique. Je sollicite un peu d'eau pour mes bidons. J'essuie un refus.
Sur le parking du mirador il y a une quinzaine de voitures et nombreux sont les voyageurs
 qui pique-niquent ici. Je fais de même.
Dix minutes plus tard mon photographe "repenti" vient m'offrir une bouteille de soda bien glacée. Sympa non?
Le fait de voyager à vélo étonne les gens que l'on rencontre et provoque"une certaine admiration"surtout au sommet d'un col. 

Du col le Rio Santa Cruz.





Généralement lorsque l'on monte un col on peut s'attendre à redescendre de l'autre côté. Ici non. Je me retrouve sur un immense plateau avec un vent apaisé. A l'approche du lieu dit El Cerrito, je dois tourner à droite. La route 40 asphaltée devient ripio pour 80 kilomètres. A l'embranchement je m'arrête devant un bâtiment administratif, un policier vient au devant de moi, gentiment il rempli d'eau fraîche mes bidons. Il m'indique que je peux planter ma tente au bord du Rio Pelque à 20 km d'ici.



Vers 18 h j'arrive au Rio Pelque avec 116 km au compteur. En contre bas devinez qui est en train de monter sa tente?
 Anne-Claire et Romain partis la veille. Comme nous sommes en pampa et qu'il y a de la place,  nous ne nous gênerons pas. Ce sera l'occasion de faire un point route.

Pampa.

Comment vous la trouvez ma route?


Même question.

Devinez la légende.

Le Rio Pelque avant d'entrer dans le duvet.


Le lendemain matin lorsque je sors de ma tente vers 8 h30, Anne-Claire et Romain sont sur le départ.
A 10 h 15 je prends la route.
Il me reste environ une cinquantaine de kilomètres pour rejoindre à nouveau la route 40 à Tapi Aike.
.
Le vent de face et la qualité du ripio m'obligent à une progression lente.
Photos de route  au dessus

La pampa. 
Je vous ai présenté de nombreuses photos de pampa. Mais de près à quoi cela ressemble-t-il?
Voici quelques exemples de plantes qui tapissent de manière espacées le sol à l'infini.





La pampa est cernée par des propriétaires issus de la colonisation.
Comment ne pas l'oublier avec ces inscriptions.










Arrivé à Tapi Aike un homme dépèce un nandou, de l'espèce des autruches. Depuis deux jours j'ai cru en voir au loin en pampa, mais beaucoup trop loin pour les photographier.


A Tapi Aike la route 40 est à nouveau asphaltée, je dois rouler plein ouest, autrement dit vent dans le nez. La progression est vraiment difficile. Quelques kilomètres plus loin en haut d'une côte j'aperçois Anne-Claire et Romain en train de faire du stop. "Éventuellement nous t'attendions me disent-ils en nous relayant nous devrions moins souffrir du vent". 

Je partage ce point de vue. Chacun y met de la bonne volonté, mais le vent ne veut rien entendre, il est décidé à faire obstacle à notre avancée. Plusieurs fois nous nous immobilisons pour voir si sur le bas côté de la route il est possible de monter un bivouac. Rien n'a grâce à nos yeux, lorsque apparaît au loin les bâtisses d'un vieil hôtel délabré. Le lieu n'est pas agréable, mais nous sommes à l'abri du vent. Ce sera depuis le départ le seul bivouac sordide. 

Lendemain matin pas envie de traîner dans ces lieux. Le vent a bien faibli et dare-dare direction les postes frontières pour un retour au Chili avec en prime entre les deux postes 13 kilomètres de ripio. 


Anne-Claire et Romain sur leur tandem" Pino Hase" entre les deux postes frontières.

Mais quelle légende vais-je pouvoir mettre à cette photo?

Arrivée au poste frontière argentin. Il y a la queue en raison du contrôle des passagers
 d'autocars. Heureusement souvent mais pas toujours les guides me font signe
 pour passer devant leur groupe.

Après le poste frontière chilien je retrouve la route 9. Je longe un petit lac, au loin sur la gauche la route vers Puerto Natalès.

Du fait d'être repassé côté ouest de la cordillère, en raison d'une pluviométrie beaucoup plus importante que du côté est je retrouve des zones d'élevages. J'ai le plaisir d'assister au déplacement d'un troupeau de moutons par des gauchos.


Je pense aux élevages de moutons que je connais en France et notamment celui de Raymond qui produit dans un petit estuaire de la Manche, juste au dessus du Mont-Saint Michel du mouton de Pré Salé. Alors Raymond quand iras-tu à cheval suivre ton troupeau?

Elevage bovin.

Du bord de la route.

Arrivée sur Puerto Natalés.

Comme j'arrive avec Anne-Claire et Romain à Puerto Natalés, nous décidons de prendre chambre collective en cet hôstel "Estelle der Sur". Une bonne adresse recommandée par l'ami Paul. Imaginez : l'hôtesse nous accueille en nous faisons goûter les pancakes qu'elle prépare. Je ne pouvais pas mieux tomber et sa cuisine est à notre disposition.

Puerto Natalés les pieds dans l'eau d'un fjord du Pacifique est une petite ville sympathique et dynamique. Le bord de mer offre des couleurs surprenantes et comme il ne fait pas chaud je supporte la veste. Cet alignement de poteaux brises lames est repris sur bon nombres de cartes postales. C'est ma manière à moi de vous l'adresser.

L'église de Puerto Natalés.

La plaza.

La rue Chorillos.


Cet animal vous accueille en entrant en ville, manière de rappeler que dans un
 lointain passé cette contrée était son domaine.

Un cycliste arrivant à Puerto Natalés. Croyez-vous qu'il a chaud?

Cette sculpture rappelle l'existence des indigènes avant l'arrivée des colons.
 Prochainement je parlerai de cette triste histoire.

Magnifique sculpture. Une femme et un homme se balancent au dessus de la mer à quelques dix mètres de haut.
Maintenant je suis dans la région de Magellan et de l'Antarctique à l'extrême sud du Chili. C'est la région la plus étendue avec seulement une population de 160 000 habitants. Traversée par le Détroit de Magellan ce territoire accède indifféremment au Pacifique et à l'Atlantique. Le climat y est plutôt froid. Les deux grandes villes sont Puerto Natalés et Punta Arénas. Elevages, exploitation forestière, pêche, tourisme assurent le développement économique de ce territoire.

Puerto Natalès compte 20 000 habitants et son urbanisme est essentiellement constitué de maisons  basses colorées aux toits en tôles peintes, ce qui réchauffe l'atmosphère de cette ville ventée. Outre qu'elle soit par son port une ville d'échanges elle a su devenir la base arrière du Parc National des Torres del Paine, C'est bien pour cela que je suis ici j'ai bien l'intention de faire une randonnée pédestre de plusieurs jours dans ce fameux parc classé au Patrimoine de l'Humanité par l'UNESCO. Cette aventure sera l'objet de mon prochain article.

Alors bientôt.